Hopi, Epo et les autres

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 Togean1.jpgAprès Rantepao, 14h de bus sur une route montagneuse qui longe des falaises gorgées d’eau, qui s’éboulent par endroits. On arrive de nuit à Tentena, au bord du lac Poso. On y restera le lendemain pour une escale verdoyante et rafraîchissante. Puis on reprend la route : 2h puis 5h pour rejoindre Ampana d’où nous prendrons le ferry pour l’archipel des Togean, en plein milieu du Golfe de Tomini qui arrondit la Sulawesi comme un croissant.

 

Le ferry passe d’un débarcadère à l’autre et nous descendons à Katupat.  Beaucoup de monde  à l’embarcadère où les gens chargent et déchargent dans une ambiance bruyante. Un couple de touristes repart, nous arrivons et Hopi nous fait traverser la passe : 100 m d’eau qui nous sépare de la petite île du Fadhila cottage.

 

Une île pour nous, entourée par une eau cristalline, des petites embarcations traditionnelles à balancier à notre disposition. Nous enfilons rapidement nos masques et tubas pour profiter des derniers rayons de soleil et tombons sur nos premiers poissons lions. Nous resterons là une grande semaine, dont la moitié passée sous l’eau.Hopi.jpg

 

Poisson et riz, poisson et riz. Pas mauvais mais un peu répétitif, voire écœurant avec cette odeur forte et grasse d’huile de coco qui nous indique, depuis notre chambre, que le repas est prêt. Des touristes arrivent d’autre repartent et l’activité du Fadhila est rythmée par le passage du ferry à l’embarcadère d’en face. Nous sommes accompagnés toute au long de la journée par les jeunes qui travaillent au Fadhila. Ils sont chaleureux, simples, curieux et on se demande si c’est d’être isolé sur une île qui permet de faire tomber les barrières qui se dressent d’habitude immanquablement entre nous et les locaux. Et bien sûr, l’incontournable « et si on vivait ici ? » Mais, ici la vie est réduite à peu de choses et nous avons déjà pris de mauvaises habitudes.

 

Longues sessions d’apnées et de découverte des fonds marins. Nous nous enchanterons en voyant les tortues, quelques gros poissons napoléons, des petits requins pointes noires de récif, une immense raie aigle et encore quelques dauphins qui auront accompagné notre retour de plongée.

 

On échangera quelques mots sur les îles et leur situation. Ouvert récemment au tourisme (même si l’accès reste encore bien compliqué à plus de 24h de Makassar et 15h de Palu), l’archipel a été décrété Parc National en 2009 par le gouvernement suite à un lobbying de Conservation International. Une association locale Toloka a été créée par le propriétaire du Fadhila pour représenter les intérêts des locaux qui contestent la création du parc. En effet le nouveau statut de la zone interdit la pêche sur une grande partie, ce qui compromet directement les moyens de subsistance de ces habitants. 


EnfantBajauTogean.jpgUn document de présentation de l’association – qui date néanmoins de 1997 ! – présente une approche plus nuancée et surtout plus humaine qui prévoit le développement économique (pêche raisonnée et interdiction des pratiques destructives, eco-tourisme) et des infrastructures de service pour les populations locales (écoles et dispensaires). En tout cas, son fondateur nous invite à participer à une action concrète de chasse de l’acanthaster. C'est-à-dire …

 

L’acanthaster est une énorme étoile de mer, avec beaucoup plus de bras et couverte de piquants qui détruit la barrière de corail. Il y a plusieurs hypothèses pour expliquer sa soudaine prolifération qui a lieu presque au même moment un peu partout dans le monde. L’une d’elles avance que ces étoiles pullulent du fait de l’absence de leurs prédateurs et en particulier les gros poissons napoléons, pêchés vivants pour l’export pour les aquariums asiatiques. De fait, à l’intérieur du récif, on remarquera très peu de gros poissons (mérous, snapper), premières espèces visées par la pêche. Après 20 heures de chasse-sous-marine, Benoît restera d’ailleurs bredouille. Ce qui, même en Bretagne, ne lui serait pas arrivé.

 

Mais la pauvreté et le manque d’alternatives économiques font peser une grande pression sur l’écologie du récif, … et sur la santé des hommes. Beaucoup d’hommes du village de  Katupat se sont vus prêter un compresseur par des investisseurs chinois afin qu’ils pêchent le poisson qui sera ensuite exporté hors de l’archipel vers l’Asie du Sud Est. Ces compresseurs n’ont jamais été faits pour la plongée et les hommes les utilisent sans la moindre formation aux accidents de décompression. Ils restent ainsi 3-4h par 30m de fond, remontent pour souffler une heure et redescendent encore deux fois dans la journée. A ce CoucherSoleilKatupat.jpgrythme, les accidents sont automatiques et à partir d’une période plus ou moins longue, tous se retrouvent handicapés par un accident de décompression. Quand ils n’en meurent pas.

 

Le soleil couchant du lundi 6 septembre nous voit quitter notre petite île. A l’embarcadère où Hopi nous ramène, un nouveau couple de touristes arrive. Et il nous quitte pour aller rapidement s’occuper des nouveaux arrivés. Les aimera-t-il aussi ?


 

Publié dans Le voyage

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