Les crabes de Makassar

Publié le par projets.d.iles.over-blog.com

Nous profitons de notre arrêt à Makassar pour rencontrer Hidayat Palaloi, directeur de l’IPPM, qui vient nous chercher le matin. Il ne parle pas anglais mais il a prévu d’être accompagné par un ami traducteur en prévision des difficultés d’échange, même après nos sembilan pelajaran (neuf leçons) de bahasa indonesia. Il a toute la journée pour nous et nous propose de nous emmener à deux heures de là, visiter un projet communautaire de restauration de la mangrove. On se retrouve à la périphérie de Makassar, un terrain industriel marque le début d’une piste trouée et détrempée par la pluie tropicale. Après une demi-heure, on arrive dans un petit village bordée par la mangrove. 100 familles vivent là, soit environ 1000 personnes.

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Hidayat nous accompagne à la rencontre du chef de village. L’homme sort de sa maison, encore mouillé de la douche, rebondi  et souriant. Les deux hommes échangent quelques paroles mais Hidayat nous laisse rapidement parler directement avec lui. Nous apprécions cette délicatesse et cette modestie. Nous comprenons que, pour lui, « participer » ne se résumé pas à un mot clé répété à satiété dans un rapport d’activités. Beaucoup à sa place aurait pris la parole tout du long et joué les intermédiaires pour présenter le travail à leur avantage. Lui nous laisse nous faire notre avis, comprendre par nous-mêmes. Participer pour Hidayat, c’est faire parler.

 

Il y a  quatre ans, quand Hidayat a commencé à échanger ans avec les villageois, la mangrove était coupée à l’excès pour la construction ou la vente du bois. Aujourd’hui, les villageois coupent encore la mangrove, mais ils la replantent aussi. Entre temps, il y a eu beaucoup de discussions avec les membres de l’IPPM mais aussi entre les villageoiseux-mêmes. C’est cette longue période de maturation qui leur a permis de s’approprier à nouveau leur terre, pour mieux l’exploiter. Ils sont maintenant convaincus du rôle écologique et économique de la mangrove : milieu  de vie pour les crabes qu’ils pêchent, et barrière naturelle qui protège la côte de l’érosion.

 

En encourageant simplement la parole et la participation, l’IPPM a réussi là où le gouvernement avait échoué. En effet, le gouvernement avait fourni des graines aux villageois pour replanter la mangrove. Mais aucun dialogue n’ayant accompagné cette démarche, les villageois craignaient que les autorités réclament ensuite le bois. Hidayat  rencontre partout cette défiance des locaux vis-à-vis des gouvernements. Comme sur Ceningan, la conservation de la mangrove se fonde souvent sur un mouvement local de revendication d’un droit de propriété ou d’usage, souvent disputé  avec les autorités.

 

Le mois prochain, Hidayat doit animer une réunion avec les villageois pour finalement dresser un véritable plan local d’urbanisme pour la zone : un plan d’exploitation qui décidera des surfaces à protéger, de celles à exploiter, à replanter, celles aussi qui seront dédiées à l’aquaculture. Ce plan sera ensuite apporté au gouvernement pour son adoption légale. Il faut faire  vite car la zone est convoitée par les industries des environs qui ont besoin d’espace.

 

Si la conservation etCRabes2.jpgla restauration sont les premières étapes, l’IPPM soutient aussi le renforcement ou le développement des activités économiques. L’institut envisage d’aider à la construction de Kerambah : cages d’élevage de crabe, posées au milieu de la mangrove.

 

Toutes les familles dépendent en effet de la pêche du crabe. Chacune a un bateau et débarque environ 10 kg par jour. Les crabes sont ensuite cuits puis décortiqués minutieusement par les femmes : pattes, pinces ou corps dont la chair est triée séparément. Le produit est vendu à des conserveurs de Makassar. L’activité est encore individuelle mais le chef du village pense à la création prochaine d’une coopérative afin de pouvoir négocier avec les acheteurs. Il souhaite développer la capacité de pêche de la communauté puisque la ressource est abondante et la demande forte. En effet, les familles ont aujourd’hui d’autres besoins, leurs enfants d’autres aspirations et les revenus actuels n’y suffisent pas. On souhaite que la ressource, elle, suffise.

 

Après une photo de groupe en compagnie d’une tisseuse de filet – une activité que l’IPPM pense aussi à développer – et de son mari, nous nous éloignons sous un ciel de plus en plus menaçant. Nous sommes moins discrets qu’en arrivant et un écolier, qui n’écoute probablement pas sa maîtresse, a les yeux écarquillés de surprise en nous voyant passer. Il siffle et l’ensemble de la classe se retrouve comme un seul homme au balcon. Sans rien faire, nous n’avons jamais été aussi drôles.

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Puis les premières gouttes, lourdes, commencent à tomber et nous quittons le village. Hidayat nous raccompagne à son bureau. Il est très intéressé par notre démarche et insiste pour que nous restions avec lui quelques semaines. Il nous demande notre avis sur le projet,  notre critique extérieure, nos conseils. On est surpris et heureux de découvrir cette modestie et cette ouverture d’esprit chez un expert qui a plus de 15 ans d’expérience locale sur le développement de ces projets. Et c’est à regret, que nous lui disons au revoir au bas de notre hôtel, où il est venu nous chercher le matin. Terima kasih banyak dan sampa jumpai lagi mundgkin Hidayat. (Merci beaucoup et peut-être à une autre fois Hidayat)

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